mercredi 30 juillet 2008

LA MÉDUSE (à Robert et Josette Audoin)












Méduse ...
Rien ici de péjoratif
Méduse
Simple forme vague
Virtuelle à demi
Mais qu’est-ce que c’est que cette chose-là ?
Pivoine chrysanthème
Fleur
Pourquoi pas
La rose épanouie ?


Ballon transparent
Improbable vessie ...


Couronne versatile
Mon coeur pantelant
Au gré des courants
Semblable à l’océan qui le baigne
Tantôt dans les grands fonds
Balloté
Tantôt à fleur d’eau


La méduse reçoit de la mer les principes de la vie
Mais elle voudrait
Elle voudrait tant ...


















Elle voudrait tant monter
Monter monter
Ivre de désir et d’amour
Quand elle monte parfois
Elle sent gonfler
Le tissu de son corps qui se distend




Comme le ballon qui monte
Ce qui l’emplit se détend
Le ballon gonfle
Gonfle
O douleur !
Douleur du désir
Douleur de l’espoir
Douleur de l’accomplissement
Dans un cri la déchirure


Mais quand la méduse redescend
Entraînée vers des eaux plus denses
Plus froides
Autre douleur
Semblable douleur de l’être tout entier
Jusqu’à l’implosion ?












Ludion jamais satisfait
À peu près impuissant
Sensible
O sensible !
Baigné par tous les courants
Tous les sels
Tous les acides
Excité par tous les contacts
Énervé par les absences


O monter, monter !






Monter
Monter encore ...
Ivresse
Mon rêve embrasse l’univers
Prophètie ?
Chanson
Douleur de voir ce que sera demain
Et quel poids me tire vers le bas
Douleur
De ne pas avoir d’aujourd’hui


















Je le sais
Quel que soit le sort
Cela finira par un vent
Un tout petit vent presque sans bruit
La vessie qui se déchire
O mes rêves et mes désirs
Mes amours et mes plaisirs !
À quoi bon
À quoi cela rime-t-il ?


“Cela ne rime rime rime
Cela ne rime rime à rien” ...*


Un sac vide
Guenille
Sur la plage où je voyais des étoiles ...




Ce n’est pas pour la méduse
C’est pour les étoiles !


Juillet 2008 * Louis Aragon : Elsa.